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La FNTR détaille les grands enjeux qui attendent le TRM dès 2021

Collaborateurs sur la route    >     Transporteurs

Entre la loi de finances 2021 qui se profile et les nombreuses mesures figurant dans le rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le transport routier de marchandises est au cœur de l’actualité depuis quelques mois. Le tout sur fond de crise liée au COVID-19, face à laquelle les transporteurs sont pleinement impliqués pour réduire les effets sur la vie économique française. Interrogé sur ces différents points, un représentant de la Fédération nationale du transport routier (FNTR) a accepté de répondre à nos questions et de partager les impressions et attentes pour demain de l’organisation représentative.

 

Par Nikolas - Publié le 24/11/2020

Lecture : 9 min


Véhicules poids lourds sur la route

Fiscalité du transport routier de marchandises : un sujet sensible qui reste sous surveillance

Le projet de loi de finances doit être soumis au vote du Parlement en décembre. Après l’alourdissement de la fiscalité du TRM cette année, craignez-vous de nouvelles mesures appliquées à votre secteur d’activités ?

« Cette année, le gouvernement avait pris la décision de baisser le remboursement de la TICPE sur le gazole de 2 centimes par litre. Malgré nos demandes au moment des projets de lois de finances rectificatives suite à la crise du COVID-19, le TRM n’a pas obtenu gain de cause, restant le seul secteur professionnel à voir sa fiscalité alourdie. Il faut bien comprendre que la rétrocession de la TICPE est le fruit d’un mécanisme européen visant à créer la concurrence la plus égalitaire possible entre les différents Etats-membres, grâce à un remboursement de certaines taxes qui vient compenser les écarts de prix significatifs sur le gazole d’un pays à un autre. 

Les entreprises françaises ont donc mal vécu cet alourdissement de leur fiscalité, en raison du décalage que cela créé avec certains pays voisins. A terme, on constate un risque fort d’impact économique négatif pour nos transporteurs mais aussi une perte en matière de rentrées fiscales puisque les entreprises internationales iront s’approvisionner en gazole dans des pays frontaliers dotés d’une fiscalité plus intéressante. A l’heure actuelle, les prévisions budgétaires pour 2021 ne prévoient pas de changements fiscaux pour le transport routier de marchandises. L’objectif de la FNTR est de sécuriser ce point et de stabiliser la fiscalité du gazole en 2021 et en 2022 pour le bien de nos entreprises. »

Transition énergétique : la crainte de mesures inadaptées au quotidien des transporteurs routiers

Le rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) doit donner naissance à des textes législatifs soumis au vote au premier trimestre de l’année prochaine. Dans les mesures avancées, plusieurs pourraient directement impacter les activités du transport routier. Comment vous positionnez-vous sur ce sujet ?

« Dans son rapport rendu cet été, la Convention Citoyenne pour le Climat préconise notamment de supprimer intégralement la rétrocession sur la TICPE sur le gazole dans un délai de 10 ans, sur la base d’un rattrapage de trois centimes par an. Au-delà des conséquences économiques lourdes d’une telle décision, il est illusoire de penser que l’augmentation de la fiscalité sur le gazole suffira à elle seule à orienter les transporteurs routiers vers d’autres énergies comme l’électrique et l’hydrogène, qui figurent dans les suggestions de la CCC. Il faut bien comprendre que les véhicules roulant avec ces deux énergies n’existent quasiment pas à l’heure actuelle. 

A titre d’exemple, aucun véhicule poids lourds électrique au-delà de 26 tonnes n’est actuellement commercialisé et les rares modèles en vente affichent une autonomie qui n’excède pas les 200 kilomètres, ce qui est très largement insuffisant pour répondre aux besoins de nos métiers. Les infrastructures associées compatibles avec nos activités en sont quant à elles encore à leurs balbutiements. Les promesses d’une électricité ou d’une hydrogène décarbonées sont également encore incertaines, alors que cette production « verte » est essentiel pour se conformer aux enjeux climatiques. Nous comprenons parfaitement et nous partageons l’ambition de décarboner le transport routier de marchandises mais nous avons l’impression que les mesures prises ne vont pas toujours dans le bon sens et ne prennent pas en compte tous les impératifs métiers du secteur. »
 

Le point de départ des travaux de la CCC, c’est le constat que le transport routier de marchandises représente une part importante des émissions de CO2 et joue donc un rôle fort dans la pollution atmosphérique.

« Le transport routier de marchandises assure chaque jour la livraison de 90% des biens en France. Si le transport dans sa globalité représente un tiers des émissions de CO2, le TRM n’est à l’origine que de 6% d’entre elles. Pour les particules fines, c’est seulement 1% qui est imputable aux transporteurs ! Ces deux indicateurs sont finalement très faibles au regard de la quantité très importante de marchandises transportées au quotidien. Pour un même poids déplacé, un camion est en moyenne six fois plus performant écologiquement qu’une voiture. Ce n’est pas nous qui le disons : ce sont des chiffres forts pour l’année 2019 qui sont confirmés par le Ministère des transports. Nos entreprises ne sont pas opposées à la transition énergétique, elles ont juste besoin que celle-ci se mette en place de manière cohérente et en adéquation avec les contraintes économiques actuelles.

Au sein des 150 mesures présentées par la CCC, on perçoit une volonté de diminuer le nombre de véhicules poids lourds en circulation, alors que les efforts devraient plutôt se concentrer sur la diminution des émissions de CO2, en rendant possible le renouvellement du parc. Dans le même temps, la Convention souhaite miser au maximum sur la production locale et sur le raccourcissement des trajets. Il s’agit de bonnes idées… sauf que la multiplication de trajets plus brefs nécessitera forcément des camions puisque les autres modes de transport ne sont pas adaptés à des distances courtes.

Le constat est le même pour l’interdiction des véhicules poids lourds dans les centres-villes, qui prend de l’ampleur avec les nouveaux projets de Zones à faibles émissions (ZFE). En ayant recours aux véhicules utilitaires légers à la place des camions, on aggrave l’empreinte carbone du transport routier puisque le nombre de véhicules requis pour assurer les livraisons est plus élevé, sans compter la saturation du trafic dans les zones urbaines. Nous regrettons qu’il n’y ait pas eu plus de temps accordé pour approfondir ces pistes grâce à des échanges entre l’ensemble des parties, dans le but d’aboutir à des solutions efficaces et satisfaisantes pour tous. »

Si l’électrique et l’hydrogène ont le vent en poupe, le GNV risque d’être le grand absent de la transition énergétique imaginée pour le transport routier…

« Le gaz naturel véhicules souffre encore aujourd’hui d’une image d’énergie fossile carbonée. Il s’agit pourtant d’une technologie qui a fait ses preuves et qui possède de réels avantages pour les entreprises du transport routier : autonomie suffisante des véhicules, fiscalité plus favorable via la TICGN, existence d’amortissements spécifiques… La production de GNV d’origine renouvelable (bioGNV) permet en outre une réduction des émissions de CO2 de près de 80%, ce qui est un solide atout en matière de transition écologique. 

Certains professionnels n’ont ainsi pas hésité à s’équiper de camions équipés de motorisations fonctionnant au gaz, même si ces derniers représentent un surcoût à l’achat d’environ 30% par rapport à un poids lourds diesel EURO VI. Ces efforts ne sont hélas pas suffisamment visibles, là encore en raison d’un manque de pédagogie sur les bénéfices réels du biogaz : bilan carbone faible, souveraineté énergétique, revenus complémentaires pour les agriculteurs… A la FNTR, nous croyons sincèrement au potentiel du gaz naturel véhicule dans le renouvellement énergétique du transport. »

Quelles sont d’après vous les clés d’une transition énergétique réussie pour le TRM ?

« Nous sommes convaincus qu’une transition énergétique réussie repose sur la combinaison de plusieurs énergies, indispensable pour répondre efficacement à chaque usage. Pour des trajets en ville, avec une faible distance quotidienne parcourue et des arrêts successifs, le recours à des véhicules électriques peut s’avérer très judicieux. A l’inverse, il faut que nous puissions disposer d’autres solutions pour des itinéraires impliquant de longues distances. Toute la problématique est là et cela doit se ressentir dans la vision portée par les pouvoirs publics en termes de choix et d’investissements pour les prochaines années. »

Le transport routier, secteur oublié du plan de relance économique

Le gouvernement a dévoilé son plan de relance économique début septembre. Les entreprises du transport routier y sont assez peu représentées. Quel est votre point de vue sur le sujet ?

« Au même titre que bon nombre d’entreprises, nos professionnels vont pouvoir profiter de dispositifs généraux tels que des baisses d’impôts. Il n’y a toutefois aucune mesure spécifiquement prévue pour le transport routier de marchandises dans le plan de relance, à l’exception des investissements destinés à favoriser la conversion de nos véhicules poids lourds. Malheureusement, ces aides sont conditionnées au choix de véhicules électriques ou hydrogène, dont la commercialisation n’est pas encore effective ! Il est dommage de ne pas avoir mis en place une meilleure concertation en amont entre les transporteurs, les constructeurs de véhicules et les énergéticiens, afin d’apporter des mesures pertinentes pour le TRM. »
 

Crise sanitaire et économique : le TRM mobilisé face au COVID-19

Après celui instauré au printemps, un second confinement a été décidé sur la fin de cette l’année en raison de la reprise épidémique liée au COVID-19. Comme en mars, le transport routier de marchandises va rester l’un des pivots de l’activité économique du pays. Comment les entreprises vivent-elles cette situation ?

« Au printemps dernier, le transport routier de marchandises a répondu présent face au COVID-19 et a permis de maintenir un approvisionnement régulier satisfaisant partout en France. Cette nouvelle situation, dont on ignore combien de temps elle va réellement durer, est plus dure à vivre que la première car les entreprises du secteur ont été – comme tous – très éprouvées par cette année qui s’achève. Nous sentons malgré tout une volonté de l’ensemble des acteurs de mener à bien leurs missions, y compris dans un contexte extrêmement compliqué.

Nous en appelons toutefois à la concrétisation des bonnes intentions affirmées publiquement, afin que les conducteurs puissent accéder aux équipements et au confort nécessaires lors de leurs longs trajets : douches et sanitaires, restaurants routiers, stations adaptées… De notre point de vue, ces points sont compatibles avec les protocoles sanitaires visant à endiguer l’épidémie et sont surtout essentiels pour garantir des conditions de travail dignes, surtout avec les conditions climatiques hivernales qui seront nettement plus rudes que celles constatées en mars et en avril. »

Paquet mobilité, Green Deal… L’Europe s’active pour révolutionner le TRM

Les instances européennes sont pleinement engagées dans l’évolution des règles en vigueur pour le transport routier de marchandises, à l’image de l’adoption du Paquet mobilité ou des chantiers engagés pour le « Green Deal ». Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur ces ambitions portées au niveau de l’UE ?

« Le Paquet mobilité a été la concrétisation d’un travail et d’une négociation de plusieurs années, dont le but était de remettre de l’égalité dans la concurrence entre des pays régis par des règles de compétitivité et de protection sociale très variables. C’est la raison pour laquelle ce texte a nécessité de nombreuses heures d’échanges et de compromis pour voir le jour. Parmi les principales avancées obtenues, on peut citer l’obligation pour tout conducteur européen de retourner dans son pays d’origine au moins une fois toutes les six semaines, ce qui n’était absolument pas le cas jusqu’à présent. Une telle mesure, à l’image des nombreuses autres incluses dans le Paquet mobilité, va permettre d’améliorer les conditions de travail de nombreux travailleurs, grâce à des consignes nouvelles qui s’inspirent des pays les plus protecteurs comme la France.

Le Green Deal devrait quant à lui rythmer la calendrier européen des prochaines années, malgré un freinage imposé par la crise sanitaire actuelle. L’enjeu de ce pacte sera de dessiner les contours de toute la nouvelle politique de transport au niveau européen, au regard des problématiques environnementales et climatiques. La Commission européenne a d’ores et déjà affiché de premières positions au cours des derniers mois, se déclarant très favorable au remplacement des véhicules actuels par des motorisations utilisant des énergies plus propres. Une volonté bienvenue qui devra évidemment s’accompagner d’investissements européens pour soutenir le déploiement des réseaux d’avitaillement nécessaires. »

 


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