
[INTERVIEW] Gestionnaire de flotte : un métier à l’avenir prometteur ?
Mobilité & Innovation > Marché, tendances et actus
En une décennie, le métier de responsable de flotte a beaucoup évolué. Mélodie Arenou, consultante et fondatrice de Aramis Conseils, conseil en achat et optimisation de flottes, dessine les contours d’un métier en pleine mutation. Passé, présent, futur… Quels défis ce métier doit-il relever ? Comment se dessine l’avenir ? Entretien.
Par Sophie R. - Publié le 10/07/2019, mis à jour le 18/09/2019
Lecture : 6 min

MOBILITY : Comment le métier de responsable de flotte a-t-il évolué ?

Mélodie Arenou : Il y a encore quelques années, le responsable de parc auto était « seulement » un gestionnaire de contrats et de loyers. Il devait comprendre les besoins de ses clients internes, déterminer les véhicules le plus appropriés, sélectionner le meilleur loyer, effectuer un suivi contractuel et budgétaire. En complément, il était partie prenante de la démarche de prévention du risque routier dans l’entreprise.
Mais le TCO a fait son apparition voici une dizaine d’années. On ne résonnait plus seulement en loyers. Les coûts annexes étaient compilés, pour calculer le coût de revient théorique d’un véhicule. Outre le loyer, il comprenait la consommation (théorique) de carburant, la fiscalité, l’assurance et la maintenance prévue au contrat. Dans un deuxième temps, sont venus s’ajouter les coûts réels, à savoir l’entretien non prévu au contrat, les coûts de réparation et de sinistralité, et le carburant effectivement consommé.
La barre est encore montée de plusieurs crans, avec l’avènement du TCO conducteur. Il intègre les dépenses supplémentaires que le comportement du conducteur engendre. Lesquels ? L’usure prématurée des pneus, l’usure mécanique, la sinistralité, les frais de gestion des PV, les coûts de remise en état et de restitution… Enfin, la casquette financière est devenue complète avec le TCO flotte, qui tient compte des coûts de gestion interne.
Le métier de responsable de flotte s’en est trouvé transformé. Et cela d’autant plus qu’en parallèle, les outils de gestion de flotte se sont largement déployés.
TFLM : Constatez-vous de nouveaux changements ?
MA : Une tendance a fait son apparition récemment, et va encore changer la donne : le TCM (Total Cost of Mobility). Son calcul intègre l’ensemble des éléments de la mobilité : les véhicules de l’entreprise mais aussi les autres frais de déplacement (train, avion, VTC, taxis, véhicule de location, vélo, scooter, métro, bus, tram…).
« Le responsable de parc doit être pro-actif et savoir anticiper en tenant compte d’éléments multiples. »
Certes, le véhicule de fonction représente la plus grosse partie des coûts, compte tenu de sa valeur faciale. Mais le TCO véhicule ne concerne que les collaborateurs itinérants ou statutaires. A contrario, la mobilité peut concerner l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Or, les entreprises ont à présent besoin d’envisager le déplacement dans sa globalité. Tout ceci est lié à la prise de conscience de la société, en matière de risque routier et d’environnement. La nécessité de s’orienter, quand c’est possible, vers des modes de déplacement alternatifs à la voiture, ou en tout cas à la voiture affectée à un seul conducteur, devient une donnée essentielle. Cette prise de conscience déteint sur les entreprises, qui doivent en outre se conformer à diverses obligations réglementaires, de plus en plus exigeantes, notamment en matière de RSE.
TFLM : In fine, quelles sont les missions du responsable de flotte ?
MA : Il assure le pilotage du parc, avec ses entrées, sorties, réaffectations, coûts récurrents et coûts occasionnels. Il est aussi au cœur de la réflexion sur la globalité du déplacement. Est-il encore pertinent d’avoir des véhicules au sein de l’entreprise ou faut-il tabler sur d’autres modes de transport ? Faut-il un mix, et lequel ? Les réponses dépendent des métiers de l’entreprise et des besoins des collaborateurs. Mais pour bien comprendre ses missions, il faut regarder plus loin encore. Le responsable de parc doit être pro-actif et savoir anticiper en tenant compte d’éléments multiples : tendances du marché, évolutions réglementaires, nouveautés technologiques, nouvelles énergies, nouveaux modes de déplacement, évolution des usages… La liste n’est pas exhaustive.
TFLM : Un exemple d’anticipation ?

MA : La nouvelle norme d’homologation des moteurs (WLTP). Avec cette évolution réglementaire, les responsables de flotte sont sur le pont depuis 2018, voire 2017. Un véhicule choisi sur catalogue, sur la base de la norme antérieure NEDC, ne se révélera peut-être pas un choix pertinent quand on aura passé le cap du 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur du nouveau protocole. Sachant qu’il faut aussi compter sur le délai d’inertie inhérent aux véhicules, soit à la commande, soit à la durée des contrats. A la clé, potentiellement : un impact sur la fiscalité, un malus à l’achat, une revalorisation des loyers par les loueurs… C’est un défi à relever et un travail d’équilibriste, sachant que le responsable de flotte doit aussi optimiser son parc, gérer avec sa composante dynamique.
TFLM : Quel rôle a-t-il précisément, notamment en interne ?
MA : Le responsable de flotte est de plus en plus prescripteur auprès de la direction générale et des autres directions, a minima pour les accompagner, les éclairer, au mieux pour orienter les décisions, qui dépendront aussi de la politique de l’entreprise et de sa culture interne. Sa réflexion doit combiner les besoins de l’entreprise, ses intérêts financiers, les responsabilités sociétales, la valorisation des collaborateurs, la conformité de leur outil de travail, l’image de l’entreprise.
C’est un rôle de conseil assez récent. Là encore, on est passé du gestionnaire-exécutant au pilote-conseil. Et cela va continuer dans ce sens, s’amplifier au fur et à mesure que le métier se complexifie. Il y a de plus en plus d’acteurs et de sujets à traiter, donc un nombre croissant d’interactions, internes et externes. Sachant que des outils de plus en plus perfectionnés permettent aussi de dégager une partie du temps de gestion pour le consacrer au pilotage, au stratégique, au prospectif, à l’anticipation, au conseil. Bien exploitée, la télématique embarquée, adossée à une solution de gestion de parc, peut être une aide à la décision. Encore faut-il savoir la manipuler et traiter les données, pour en avoir une interprétation qui permette de dégager une vision et une stratégie.
TFLM : On comprend que le responsable de flotte est devenu un expert. C’est juste ?
MA : Lorsqu’on parle de restriction de circulation dans une entreprise de livraison ou d’intervention sur site, indéniablement, il y a une réflexion poussée et très pointue à mener avec le responsable d’exploitation logistique. Le responsable de flotte va pour sa part apporter sa connaissance du marché chez les constructeurs, lui dresser un panorama de ce qui existe dans les autres entreprises, l’éclairer sur les contraintes et les possibilités qui s’offrent à lui. Et pour cela, il doit sans cesse rester informé.
TFLM : De quelle manière peut-il s’informer ?
MA : Il existe plusieurs canaux à exploiter : la presse, généralement spécialisée, les communications et newsletters des prestataires, les réseaux sociaux, et enfin et surtout les réseaux physiques, notamment les clubs professionnels. Avis d’experts, opinions diverses et débats plus ou moins éclairés, émulation, partages de connaissances et de bonnes pratiques : il faut faire son marché.
TFLM : Comment voyez-vous les contours du métier à l’avenir ?
MA : Le futur responsable de flotte devra avoir une fibre certaine pour les univers du déplacement, de la mobilité. Et une appétence pour les nouvelles technologies. Son rôle de pilote va s’étoffer. Il est appelé à devenir un hub entre les différents métiers internes, entre les conducteurs et les autres directions, entre l’entreprise et ses fournisseurs, la société civile et ses clients. En outre, dans un avenir assez proche, il aura probablement deux casquettes : flotte ET voyages & déplacements.
« Les entreprises ont à présent besoin d’envisager le déplacement dans sa globalité. »
Certaines entreprises ont déjà opté pour cette configuration. A défaut, les deux responsables devront travailler en étroite collaboration. Autre évolution possible : la gestion de flotte pourrait entrer dans le périmètre RH ou dans celui de la RSE. Quant aux outils technologiques, leur avenir recèle d’importants enjeux : renforcer les échanges entre les différents acteurs, fournir davantage d’aides à la décision, mieux exploiter les données, et pourquoi pas, orchestrer et optimiser la gestion des différents modes de transport. Parce que l’avenir est certainement au mix intelligent.
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